Roselyne MAVUNGU

 

Synthèse sur les travaux et expériences en médiation du LAJP

Texte paru dans : Bulletin de liaison du LAJP, n°22, sept. 1997, pp. 82-88.

 

Aujourd'hui comme hier, l'Afrique est plurielle. Elle se caractérise par une pluralité de formes sociales, de différences ethniques ainsi qu'un agencement hiérarchisé. La justice aussi obéit à cette description notamment en ce que diverses pratiques ancestrales et des règles modernes régissent la vie du justiciable africain.

L'historique de la justice en Afrique fait apparaître deux systèmes distincts : un traditionnel et un moderne. A l'origine, la justice africaine était essentiellement fondée sur la négociation. Les conflits étaient réglés entre soi en vertu d'un principe qui veut que ceux qui ont causé le conflit soient responsables de sa résolution. Un effort social considérable était mis en oeuvre afin d'aboutir a un consensus ayant pour finalité la cohésion du groupe. L'organisation formelle de la recherche de la paix consistait en un maniement oral qu'Etienne Le Roy dénomme l'oralité juridique (Le Roy, 1986) et qu'il théorise en employant des catégories de l'histoire du droit grec : "Le premier temps est celui de la theoria", c'est-à-dire du défilé des faits et des situations. Le défilé (originellement la procession vers le temple d'Eleusis) peut être scandé de temps secondaires si le sens du litige fait l'objet d'une discussion. Le deuxième temps est celui de la crisis, comme moment révélateur et décisif dans l'évolution de la décision ou du conflit. Il peut être marqué de violence (symbolique) mais il permet, par la confrontation des enjeux, de déterminer les termes du compromis. Enfin, le dernier temps est le moment de la catharsis, c'est-à-dire de la purification et du retour à l'"ordre" non nécessairement à l'harmonie (Le Roy, 1986, 117-133).

L'ordre ainsi négocié par l'oralité juridique fondait le mode de résolution des conflits. Il n'impliquait pas prioritairement une contrainte extérieure ou la référence à la loi. Quelques fois les personnes invoquaient à l'appui de leurs allégations des propos d'un ancêtre mais elles n'étaient pas tenues de les retenir, plutôt d'en adapter la signification. Le désir de cohésion du groupe fondait l'autorité de la décision prise, créatrice d'un "droit" qui bien qu'oral, s'imposait à tous. Ce système concourait à une endo-régulation dans "le ventre du village" selon une expression wolof, qui allait subir des perturbations à deux reprises.

En premier lieu, les colonisateurs quelle que soit leur nationalité ont exporté leur conception de la justice vers une Afrique dont les modes de vie comme l'organisation sociale avaient subi des interactions islamiques et chrétiennes. Keba Mbaye écrit à ce sujet que "chaque colon avait ainsi transporté en Afrique les pratiques de son pays d'origine, souvent au mépris des institutions locales et sans l'avis des bénéficiaires" (Keba Mbaye, 1990, 290). Ces modes exogènes étaient inadaptés aux situations locales. La justice européenne avait introduit une méthode de régulation dont les caractéristiques étaient étrangères aux autochtones et qui s'imposait de manière autoritaire. Il en a résulté, poursuit le Viceprésident de la Cour Internationale de Justice de la Haye, que "les difficultés d'adaptation locale ont enfanté la théorie de la "spécialité législative" et ont eu pour résultat, la juxtaposition de deux justices, l'une indigène et l'autre métropolitaine." (Keba Mbaye, 1990).

Ainsi l'Afrique colonisée était marquée par un dualisme juridique, fruit de la coexistence d'une dualité de statut des personnes qui relevaient du droit local ou du droit français (dans les pays africains francophones) et de la survivance à côté du droit écrit métropolitain, d'un droit coutumier. Le premier contenait des règles occidentales tandis que le second consistait en une codification par les administrateurs européens à l'intention des juges indigènes, de l'ensemble des décisions rendues en Afrique et des pratiques africaines.

Concrètement, la répartition entre les deux instances se manifestait ainsi : "les décisions des autorités ou juridictions traditionnelles n'ont été reconnues que dans la mesure où elles pouvaient être assimilées à des arbitrages, et l'on a plutôt cherché à faire trancher les litiges de droit traditionnel par la Justice d'Etat. A cette fin, l'Etat a organisé, à côté des juridictions dont l'objet principal était de dire le droit moderne (Justice de droit moderne), des juridictions destinées à trancher les litiges entre des parties de statut traditionnel, (justice indigène, justice de droit local, ou justice de droit traditionnel)" (Alliot, 1965, 237). Ce binôme droit traditionnel/droit moderne a fonctionné pendant la période coloniale avec un discours exprimant aussi bien la prépondérance du juridique nouveau sur le juridique ancien que la préférence des procédures contentieuses.

En second lieu, lors des indépendances, les jeunes Etats ont opté pour l'utilisation majeure du modèle européen. Des enjeux importants étaient à l'origine d'un tel choix. Le droit moderne permettait de répondre aux défis de la vie internationale et d'accéder au développement économique mondial. Aussi bien à l'époque coloniale qu'après les indépendances, l'action du colonisateur comme celle des législateurs africains a eu pour effet de discréditer les formes endogènes de règlement des conflits. L'Afrique est passée d'une gestion familiale ou communautaire des différends à une administration institutionnelle de ceux-ci.

Mais, les pratiques ultérieures ont révélé une résurgence des voies négociées qui démontre l'échec de la justice d'Etat neutre, impartiale et extérieure aux antagonistes. Les expériences et travaux des doctorants du L.A.J.P. indiquent que "ce principe d'endorégulation, loin d'être cantonné à des formes secondaires ou archaïques des conflits, émerge dans tous les contextes où une transcription des modes communautaires d'organisation a pu être réalisée" (Le Roy E. 1990, p. 114.).

Cette justice "informelle" s'est installée dans toutes les sphères sociales, elle n'est plus l'apanage du monde rural mais atteint la ville. Le chef de famille, l'ancien du quartier, le professeur, le responsable de la tontine aussi bien que l'autorité religieuse ou le marabout sont devenus les garants du maintien d'un ordre endo-régulé assuré par la communauté.

Le magistrat, le politicien ou le policier, lorsqu'ils interviennent, peuvent se dévêtir de l'autorité de leur institution pour revêtir l'habit du conciliateur, de l'arbitre ou du médiateur en sortant de leurs compétences strictes tout en répondant à une attente collective.

Ces différents détenteurs d'une autorité ont suppléé aux magistrats éventuellement corrompus et inefficaces.
Bien que ces expériences s'apparentent au droit traditionnel, elles sont l'expression d'une pratique logique métisse née de la confrontation entre deux modes de régulation sociale.

Depuis 1965, le L.A.J.P. a étudié cette transformation des modèles de politique judiciaire et l'expérience africaniste sert de base à une réflexion au sujet des perspectives françaises.

 

Les perspectives anthropologiques autour de la médiation

La saisine de la médiation dans sa dimension anthropologique explicite la place de la médiation encore à son ère génésiaque en Occident mais fortement présente en Afrique. Celle-ci privilégie le mode amiable avec le choix d'un médiateur proche des parties, capable de régler les conflits et de les pacifier.

Alors que l'africain privilégie les modèles de conduites et de comportements à la base de la coutume, l'européen valorise un seul aspect des sources du droit ; la norme générale et impersonnelle. Il néglige les habitus (ou systèmes de dispositions durables) à la base de la socialisation juridique.

Une réflexion d'ordre dialectique sur la médiation ne peut se faire à l'écart du droit avec lequel il existe un parallélisme (Le Roy, 1995, 39-55) car les modes de règlement pré-contentieux ne doivent pas être pensés comme contraires à la justice bien qu'ils ne soient pas de la Justice. L'organisation institutionnelle est fondée sur le culte de l'Etat, et les rapports au droit ainsi qu'à l'Etat influent sur la façon de poser les modalités de résolution des antagonismes.

Le droit en tant que mode de régulation étatique interfère avec les pratiques négociées qui s'expriment par les moyens de l'arbitrage, de la conciliation ou de la médiation. Plutôt que comme "l'ensemble des règles impersonnelles et générales préétablies" le Droit est défini par Michel Alliot comme "la mise en forme de luttes et le consensus sur les résultats de ces luttes". Ceci implique donc un consensus minima des membres de la société pour assurer l'organisation dynamique du droit. Dans la société française cela explique la difficulté du droit et des tribunaux à saisir les techniques de médiation ainsi que l'ensemble des représentations qu'elles comportent. Ce constat implique un questionnement des mythologies et des logiques fondatrices des visions du monde.

Michel Alliot écrit : "Il existe une multiplicité de penser le monde et de se penser dans le monde et à chacune d'elles correspond une façon de penser le droit" (Alliot, 1989, 31-36). Malgré la laïcité caractéristique de la France il apparaît qu'il y a une relation entre le droit et la religion. "Penser le droit c'est penser Dieu" ajoute-t-il. La cosmogonie européenne s'inscrit dans la conception judéo-chrétienne dont le livre biblique de la Genèse relate la création du monde à partir du néant par un Dieu qui se présente comme étant omniprésent, omniscient, extérieur et supérieur à sa création. Ainsi, les Occidentaux supposent que l'ordre préexiste au désordre et que les heurts doivent être régulés par des solutions normatives préalables au conflit. Lorsque Hobbes fait émerger le terme Etat, celui-ci est associé aux propriétés divines. La justice endosse les mêmes attributs, son efficacité étant fondée sur l'extériorité, la neutralité et l'objectivité du magistrat. La civilisation latine issue de la Contre Réforme a reconstruit le dogme chrétien autour du modèle unitaire qui implique une représentation d'un Dieu unique, d'un seul Etat et d'une seule Eglise. Dès lors, la modernité est pensée en terme unitaire. Or, les modes de règlement para-judiciaire des conflits s'inscrivent dans une autre logique que sous-estime la vision chrétienne du monde.

Les traditions confucéennes et animistes différent des conceptions monothéistes. Les cosmogonies pluralistes d'Afrique considèrent que les sociétés sont nées du chaos et qu'un héros fondateur après plusieurs essais a réussi à rétablir un monde équilibré. Loin de minorer l'ordre, le désordre est perçu de manière positive car il permet la mutation de la société face aux contraintes générées. La pensée africaine est aussi fondée sur la complémentarité des différences, le monde animiste trouve sa cohérence dans les rapports hiérarchiques que la fonction de la cohésion impose aux êtres qui la composent. Il n'existe que parce qu'il est inégalitaire. Les sociétés modernes ont essayé d'effacer ce fait en appliquant "l'idée d'égalité" présente dans ce que Louis Dumont appelle "l'englobement du contraire"(Dumont,140-141).

La démarche comparative du Laboratoire au moyen de "l'anthropologie du détour" par l'Afrique révèle les représentations à l'œuvre, les impensés juridiques qui fondent les comportements et remettent en perspective l'émergence d'un pluralisme judiciaire.

La résolution amiable des conflits connaît un renouveau dans les pays anglo-saxons, notamment aux Etats-Unis d'Amérique et en Grande-Bretagne mais aussi en France. L'expérience française est encadrée en amont par le règlement des conflits fondé sur la négociation et en aval par la tentative de penser un système politique judiciaire. Le contexte est d'abord celui d'une remise en question du rôle culte de l'Etat-Providence qui fonde l'ordre imposé et d'une crise des mécanismes de régulation sociale.

Le constat initial des études concernant les voies négociées fait état d'un engorgement des tribunaux de plus en plus inadaptés à résoudre certains conflits générés par la vie moderne. La complexité des sociétés actuelles, l'urbanisation et l'industrialisation produisent des conflits qui ne trouvent pas leur dénouement dans une logique institutionnelle de régulation sociale privilégiant l'opposition des intérêts alors que les antagonistes qui sont appelés à poursuivre leur relation (voisins, collègues de travail, membres d'une même famille) désirent la réconciliation.

Les mécanismes para-judiciaires de règlement des litiges peuvent être un remède d'autant plus qu'apparaît un sentiment d'insécurité preuve d'un manque de communication entre le justiciable et les instances intermédiaires que sont la police et la justice(1). Ce fait social génère la mise en accusation de la société, des personnes qui la représentent et des appareils étatiques qui la régulent. La réponse à cette situation de crise est de recréer des lieux de socialisation ainsi que des moyens de régulation afin de reconstituer le tissu social.

On assiste par conséquent à l'apparition de nouveaux modes de règlement des conflits. Ils sont soit créés à l'initiative de l'Etat telle que l'institution des conciliateurs par le décret de 1978(2) ou résultent d'une délégation de certaines affaires à l'exemple des expériences de médiations pénales et civiles.

Soit les acteurs de la société civile organisent une gestion "communautaire" des différends qui naissent à l'échelle du quartier, soit des professionnels du conflit (thérapeutes, conseillers conjugaux...), indépendants ou regroupés en association, se structurent afin de pacifier leur sphère de compétence.

L'état des lieux de la médiation indique non seulement une complexité des formes parajudiciaires mais aussi une diversité des activités du champ de la médiation(3).

Une réflexion transversale sur les définitions des médiations, les logiques qui les sous-tendent et sur la question de la constitution de nouveaux acteurs permettra d'aboutir à une politique juridique à partir d'une analyse processuelle.
Cette démarche consiste à cerner les acteurs du conflit, leurs ressources et leurs conduites, à cerner les forums de règlement des conflits, les ordres sociaux ainsi que les règles du jeu à l'oeuvre dans les différentes échelles.

L'observation a révélé des enjeux importants qui ralentissent la mise en place des structures négociées.

- Des enjeux subjectifs attachés aux exigences du négociateur, du conciliateur ou du médiateur quant à leur formation et aux qualités personnelles requises.
- Des enjeux professionnels dictés par le dessein de chaque catégorie de spécialistes du conflit de s'octroyer ou de conserver le monopole du marché des médiations.
- Des enjeux symboliques caractérisés par une culture unitariste ainsi que des impensés juridiques qui déterminent la conception de la justice comme du droit et influent sur les pratiques.
- Des enjeux institutionnels quant à la mise en oeuvre et à la structuration des procédures juridiques et judiciaires face aux voies négociées.

Mais au-delà de ces impératifs instantanés ou médias, il existe des enjeux fondamentaux qui exigent un réel projet de société.

 

Un enjeu de société

Les travaux du Laboratoire au sujet de la conciliation reposent sur quatre types d'ordre (au sens d'ordonnancement sociaux) à la base du règlement des différends. L'ordre accepté qui consiste à éviter d'entrer dans le conflit, l'ordre négocié où des solutions prises en commun réintroduisent la paix, l'ordre imposé par la Justice et l'ordre contesté en utilisant la violence pour régler les problèmes. La logique judiciaire en France repose sur un ordre imposé. Mais la recherche sur la Justice des mineurs en région parisienne a mis en évidence le rôle de la négociation dans la fonction de la justice de cabinet en "assistance éducative" (LAJP, 1985), le Juge des Enfants en France apparaît comme le négociateur des conflits de l'adolescent dans sa famille, la justice des mineurs constituant un "champ social semi-autonome" par le biais de l'oralité "clé de voûte d'une justice plus négociée qu'imposée" (LAJP, 1989). En effet, la nécessité de rechercher l'adhésion de la famille est une priorité inscrite dans la loi qui ouvre des possibilités de négociation avec le juge. Le lieu (chambre du conseil, cabinet) s'y prête convenablement et facilite la communication. On assiste alors à une cohabitation des modes exogènes et endogènes de règlement des conflits, du fait de la fonction du juge qui regroupe sur sa seule personne le rôle de rappel à la norme et de substitut parental.

Mais c'est aussi un cadre important propice à l'expression de la différence culturelle, non pas dans une sorte d'ethnocentrisme réducteur ni dans un idéalisme de l'Autre mais en permettant à l'identité culturelle de s'affirmer.

Le contexte français de l'immigration crée des difficultés aussi bien au justiciable étranger pour assimiler le Droit du code que pour la justice française afin de comprendre et de gérer les traits de comportements inconnus ou incompris par suite de préjugés. En milieu immigré, des difficultés apparaissent du fait des interactions psychologiques et sociales face à la société d'accueil, l'acculturation étant à la source de dysfonctionnements.

Le juge doit chercher à comprendre les mécanismes culturels qui dictent les comportements mais il peut aussi être limité dans sa démarche par un manque de connaissance d'autrui.

S'adresser à des "sachants"(4) qui l'introduiraient sur la culture de l'autre s'avère alors nécessaire mais cela implique, par ailleurs, la mise en place d'un espace de négociation non seulement avec les mineurs, mais aussi vis-à-vis des familles. L'étude sur la différence culturelle indique que "face au modèle français original à portée individualisante, les acteurs doivent trouver des accommodements entre l'usage du modèle judiciaire et les valeurs communautaires et familiales qui orientent les "patterns" culturels et le droit vivant (living law) (LAJP, 1985, 123).

En effet il ressort des divers travaux sur l'Afrique que les perceptions et les sensibilités qui dictent les conceptions de la vie et les modes de conduite divergent. Le visible et l'invisible sont emprunts de réalités absentes des représentations occidentales et la question de la culpabilité au-delà de la Méditerranée n'est pas adaptée à celle de l'impunité du Droit judéo-chrétien. On parlera davantage de déviance (Alliot, 1980, 69-73).

Ce constat traduit la nécessité d'ordonner les systèmes juridiques pour aménager la place des modes de régulation extrinsèques au droit et à la justice dans les sociétés occidentales.

"De là résulte l'hypothèse centrale de cette recherche que la différence culturelle ne pourra être prise en charge par la société française que si elle est en mesure de relever un défi : aborder frontalement ce qu'elle refoule et censure et que nous avons dénommé "le tabou de l'altérité". "On fait silence" sur le statut de l'autre dès lors qu'il n'est pas un futur "moi" ou qu'il ne nous ressemble pas ou pas assez. Ce tabou révélé par notre étude comparative des justices des mineurs fera problème dès lors qu'on constate que la différence culturelle n'est pas conjoncturelle mais structurelle : les Français rêvaient d'une nation uniformisée et intégrée, ils se réveillent dans un pays pluriconfessionnel et multiracial. Car l'émigration ne conduit plus à la fusion mais bien à la permanence des manifestations identitaires, donc à de la différence culturelle" (LAJP, 1989, 10).

Cela implique une remise en cause des représentations de la modernité et suppose une interpellation du droit par l'anthropologie afin de penser en terme de diversité. Un changement de paradigme de la part des pays prônant des systèmes universels s'avère inéluctable pour s'inscrire dans une démarche interculturelle.

Le raisonnement unitariste paraît être un obstacle épistémologique considérable au défi lancé à la société française postmoderne et entrave la découverte d'autres modes de régulation.

La nouvelle politique juridique de cette fin de siècle exige une prise en compte de la complexité des situations et de la pluralité des modes de régulation.

Les expériences et travaux concernant le pluralisme judiciaire en Afrique ont introduit un double questionnement sur la justice en France et sur la coopération des Français à celle-ci.

Les sociétés occidentales doivent inventer leur projet de société étant convenu que tout risque de transposition serait inadéquat. Elles doivent penser un projet de société qui soit à la hauteur des ambitions du XXIe siècle, sortir de leurs cultures, s'inscrire dans d'autres traditions et entrer dynamiquement dans un commerce interculturel et institutionnel par la négociation.

(1) A ce sujet, consulter "l'acte de délinquance : acte inaugural au processus de victimisation" par Dominique Hélène DRAY, LAJP, Rapport intermédiaire de l'enquête ethnologique réalisée à Aulnay-sous-Bois.
(2) Consulter L.A.J.P., La conciliation et les modes para-judiciaires de règlement des litiges, expériences françaises et nord-américaines, Collection Essais et recherche judiciaires, Bordeaux 1989. L'institution des conciliateurs du décret de 1978 a fait l'objet de recheches par le Laboratoire destinées au Ministère de la Justice. Un groupe de praticiens et chercheurs ont collaboré afin de produire un rapport d'évaluation de l'expérience française de la conciliation. Le projet consistait à assurer "une évolution de la possibilité de généraliser la concilation en accord et sous le contrôle de magistrats".
(3) Les modes de résolution par la négociation ont fait l'objet d'une analyse de 1989 à 1991. En collaboration avec le Groupe Lyonnais de Sociologie Industrielle (GLYSI/CNRS/Université de Lyon), le Laboratoire a organisé un cycle de séminaires consacrés à l'analyse du phénomène de médiation en France. La finalité était de cerner le contexte évolutif de ces modes de règlement des conflits à travers l'exploration des différentes activités du champ de la médiation.
(4) sur l'expérience récente d'intermédiation culturelle au Tribunal pour Enfants de Paris par les chercheurs du LAJP

 

Bibliographie

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ALLIOT M., "Hâtives réflexions sur l'avant-projet de symposium 'le droit de punir'", Bulletin de liaison du LAJP, volume 2, 1980, pp. 69-73.
ALLIOT M., "La Méditerranée et le Droit", Bulletin de liaison du LAJP, n° 15, novembre 1989, p. 31-36.
DRAY D. H., Rapport intermédiaire de l'enquête ethnologique réalisée à Aulnay-sous-Bois., L.A.J.P.
DUMONT L., Essai sur l'individualisme, Paris, Seuil, coll. Points, Série Essais, 3e éd., 1983, 310 p.
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LAJP, La Justice des mineurs en région parisienne, Paris, 1985
LAJP, La conciliation et les modes parajudiciaires de règlement des litiges. Expériences françaises et nord-américaines. Collection "essais et recherches judiciaires", Bordeaux, 1989.
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